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Renaissance d'Alain
17 juillet 2016

16 juin Les Sables d'Olonne

Mardi14 juin, 7.30 :

Le réveil vient de sonner, ultime journée de préparation pour la soirée d’inauguration du SPOT, lieu de résidence de CHRONOS. Je suis confiant et heureux. Les répétitions se sont bien déroulées, je suis dans les temps. Lors de mes essais, les traits du visage du skipper se dessinaient petit à petit aux sons du Lacrimosa et du requiem de Mozart, puis venaient s’ajouter des rythmes endiablés des Sex Pistols ou autres Mass Hystéria. Dessiner sur des morceaux variés me prépare au bruit du public qui présent jeudi prochain, n’aura que faire de ma concentration. Un portrait de 2m00 par 1m45 demande une très grande rigueur et une forte dose de concentration.

En accord avec le directeur du SPOT, le choix du portrait s’est porté sur Jérémie Beyou, skipper sablais vainqueur de la dernière transat New-York, les Sables. Voilà une belle opportunité qui s’offre à moi. Je vais présenter mon travail auprès d’un public intéressé par le monde de la voile. Yes, çà va être du lourd !

Dans ma tête tout est ordonné, organisé.

Si parfois le hasard fait bien les choses et permet de se surpasser, je dois tout anticiper. Je suis prêt.

La journée d’hier fut dense et ma liste de préparatifs fut longue.

Aujourd’hui, histoire d’être au top, je répète une dernière fois ma prestation en temps réel. Le portrait de Jérémie Beyou doit rayonner de vie et de caractère, sinon à quoi servirait un portrait ? Je suis confiant, j’ai ses traits au bout de mes doigts. Je n’ai pas le droit à l’erreur. Une couleur trop appuyée me serait fatale car impossible à enlever du papier. L’erreur ne m’est donc pas permise. Ma dernière répétition s’est bien passée. Tout s’est déroulé comme prévu. Je dois maintenant finir les supports du tableaux, et tester mes éclairages d’appoint.  Il me faut anticiper au maximum les problèmes éventuels car ayant peu d’information sur le lieu, je navigue à vue. Stressé, non. Excité, oui !

 

Mercredi 15 juin, 7h35 :

Je suis «zen ». La nuit fut courte car trop excité pour dormir. Qu’importe tout va bien. 

Virginie, mon épouse s’est levée, le réveil indique 7h40.

- Tu viens, le p’tit déj est servi .

- J’arrive. » 

A vouloir bouger, voilà qu’une douleur envahit mon dos. Des lances tournoient violemment dans mes chairs. J’ai horriblement mal. Que m’arrive-t-il ? J’essaie de bouger mes jambes, impossible. Mon dos me fait horriblement mal. Puis c’est au tour de mon genou qui se bloque dans une douleur insupportable. Je m’évanouis.

Depuis la cuisine Virginie m’appelle :

- Alain , le thé est chaud, tu viens ?

-…

- Alain, tu viens ? »

 

Il est 7h37, je reprend connaissance.  Les douleurs se sont apaisées. J’essaie de me lever. A ma grande surprise, me voilà debout, je suis rassuré. Ma priorité : être en pleine forme pour demain, le grand jour.

 

Que m’arrive-t-il ? Suis-je maudit ?

« Zen, zen, no stress » répète une petite voix dans ma tête, « zen, zen… »

Difficile avec ce mal de dos… et ce genou, qui me fait mal.

Je descend tant bien que mal les escaliers et me dirige vers la cuisine.

Mon épouse d’un air étonné m’aperçoit « Alors la forme ? J-2 ! » me dit-elle.

Puis voyant mes grimaces de douleurs, se reprend « Que t’arrive-t-il ? »

Je lui explique l’épisode du réveil et lui indique qu’il m’est impossible de ne pas effectuer ma prestation de demain soir.

En effet annuler celle-ci, serait suicidaire, car trop d’enjeux y sont présents.

Mais voilà, que faire ?

«Il nous reste des antidouleurs, des antiinflammatoires, des pommades, des poches pour l’eau chaude . Avec çà, çà devrait aller ! » me propose Virginie.

Toutes les pistes pour me soulager sont explorées. Par faute de moyens financiers, seule la piste du kinésithérapeute est abandonnée. Etant au RSA, chaque centime compte !

Après réflexion et concertation, la décision est prise de ne pas me faire répéter aujourd’hui. Seul le repos doit me permettre de récupérer. Ma journée va donc se limiter au canapé et à la prise de médicaments. J’espère que cela suffira à retrouver un début de forme.

Je suis en colère, je n’ai rien vu venir. Mon corps me joue des tours que je n’apprécie pas. Zen , je dois rester zen !

La journée se passe au gré de siestes et de prises de médicaments. 

17h45 :

Le bruit de la clé dans la serrure de la porte d’entrée me  fait sortir de mon léger sommeil. Voilà, Virginie qui revient de son travail. « Alors, comment vas-tu ? »

A son regard, la réponse est déjà sur son visage.

Je lui réponds par un simple « bof ».

Je suis démoralisé. Les douleurs sont toujours présentes. Les lances sont revenues.

Dois-je annuler pour demain ?

Zen, je dois rester zen. Je dois prendre confiance en moi et aller chercher au plus profond de moi. Se concentrer et chercher des capacités inexplorées. « Tu vas y arriver, Alain tu vas y arriver. » me murmure une petite voie intérieure.

 

Jour J, jeudi 16 juin, 8h00 :

Après avoir passé ma nuit allongé dans le canapé à essayer de dormir et à oublier la douleur, je me réveille et quitte les bras de Morphée pour tomber dans les bras de la réalité. La douleur du dos s’est estompée et celle du genou, envolée. Zen, la petite voix avait raison. Je suis confiant et soulagé pour ce début de journée.

Puis tout se passe normalement, certes avec lenteur, mais sans douleurs.

Le chargement du matériel s’effectue calmement et lentement mais qu’importe, je peux bouger et c’est l’essentiel.

Ce matin, le ciel revêtu de son plus beau manteau bleu nous habille d’une forte chaleur. L’été serait-il arrivé ? Aucun nuages à l’horizon, ni dans le ciel, ni dans mon dos. L’espoir revenu, nous terminons de charger notre véhicule. En prévention du voyage, j’avale quelques médicaments. Il est 11h00, nous prenons la direction des Sables d’Olonne. Le compte à rebours a commencé.

Assis côté passager, je vois la route défiler sous mes yeux groguis de médicaments.

Bien que bloqué et entouré de poches d’eau chaude, les secousses de la route me rappellent à mon mal de dos. Nous prenons alors l’autoroute avec son asphalte qui me berçant me plonge dans un semi sommeil réparateur. Zen, je suis zen. Le temps  passe. Voila maintenant deux heures que nous roulons. Le ciel est de plus en plus clair, au loin nous apercevons la ville de Sables d’Olonne.

Çà y est nous y sommes.

Devant nous se dresse un élégant bâtiment de verre et d’acier, joli spectacle d’harmonie et de finesse. L’orangerie du SPOT est née, elle nous appelle. Sublime lieu situé en plein cœur de la ville des Sables d’Olonne, place de la Liberté.

Cette place qui nous rappellent nos premiers années, où jeunes amoureux nous nous embrassions, heureux, insouciants d’un amour intemporel. Dans mon porte-feuille, j’ai toujours gardé la photo, où Virginie et moi sommes bras dessus, bras dessous. Souvenirs nostalgiques de ses moments de vie, où l’été, réunis aux Sables nous étions les plus heureux du monde. Adage ou coïncidence ? Qui aurait pu prédire, trente ans plus tard que nous nous retrouvions à ce même endroit, toujours amoureux. Aujourd’hui Virginie est devenue mon épouse et moi son artiste de mari.

Que de chemins parcourus ensemble contre vents et marées, à vivre, à lutter, à militer pour un monde meilleur.

C’est un moment d’émotions et de bonheur, que de se retrouver au même endroit pour partager ensemble encore une fois un autre grand moment de bonheur !

Une fois les émotions passées, nous allons saluer nos hôtes qui inquiets prennent de mes nouvelles. Pour eux, l’annulation de ma prestation ferait tâche dans la programmation de la soirée. Je les rassure et nous commençons le montage de ma structure.

Oublié le mal de dos, disparu le mal de genou, tout est redevenu opérationnel. Je revis… Virginie aussi !

Nous entrons alors et découvrons le SPOT.

Les yeux grands ouverts nous sommes ravis, le lieu est beau. Il règne une grande harmonie de plénitude. La charpente métallique noire vient délicatement se poser sur les grandes baies vitrées. Celles-ci habillées de longs rideaux blancs agrémentent le lieu d’une belle sonorité. L’ensemble est très classe, le bon goût est présent et çà fait du bien!

 

Malgré la retransmission des maths de foot de l’EURO et le manque total d’intérêt de nos hôtes, nous avançons et montons étape par étape la structure pour mon tableau. Au bar du SPOT, nos hôtes se restaurent et ne soucis aucunement de nous. Aucun contact, aucune visite, rien. Drôle d’accueil !

Bien que surpris et étonnés par leurs comportements, nous continuons notre montage. Il fait chaud. Il fait soif.

Bientôt deux heures que nous travaillons et toujours rien de nos hôtes. Qu’importe, leur manque « savoir vivre » n’entache pas notre motivation.

Encore un dernier réglage des lumière d’appoints et tout sera opérationnel.

L’heure de la pause a enfin sonné, le mal de dos lui s’est réveillé.

Allonger sur la pelouse extérieure après s’être restauré,  je me repose et récupère. Virginie elle, parti chercher des bandes chauffantes pour mon dos est mon infirmière d’un jour. Il me faut tenir jusqu’à vingt deux heures. Revenue à mes côtés, ma douce infirmière me prédit ses précieux conseils, me conditionne et m’encourage être au top. J’entends alors la petite voie intérieure qui me répète «  Alain, tu vas y arriver, zen, zen, tu vas y arriver » Quelle équipe de choc, elles se mettent en quatre pour que leur chéri soit au top.Et çà marche.

 

Jeudi 16 juin , 20h00

Le public arrive, le SPOT de se rempli. Tout va bien.

Je n’ai plus de douleur, je suis concentré et conditionné pour ne pas avoir mal.

Voilà que le maître du lieu s’approche de la scène munis d’un micro et ouvre la soirée. Un discours officiel ni trop court, ni trop long dans lequel il explique la genèse et l’aboutissement du SPOT. Derrière lui sur scène des « slides » agrémentent ses propos. Puis c’est à mon tour de prendre le micro. Exercice périlleux que celui de prendre la parole devant un parterre de trois cents personnes amoureux de la mer. Je leur explique la raison de ma présence et le challenge à réaliser ce soir mais surtout l’objectif et le challenge de CHRONOS, agrémenté d’un peu de pathos de mort subite récupérée.

20h30 :

Bouchons d’oreilles mis, je me lance ,face à moi un panneau blanc de deux mètres par un mètre cinquante vierge de toutes couleurs, derrière mois un public interrogatif et excité à souhait.

Je deviens l’événement dans l’événement.

Mes pastels devenus prolongement de mes bras, dessinent et suggèrent les formes et traits du portrait tant espéré. Balais de gommes et de pastels, les couleurs dansent sous mes yeux.

La lumière du jour est tombée, les lumières psychédéliques ont pris la relève au plus grand détriment de mes yeux. Dessiner sous un flot de lumières changeantes n’est pas dans mes habitudes. Sous mes yeux, mon rouge devient jaune, le blanc est devenu vert, que se passe-t-il ?

Derrière moi la foule est amassée, téléphone portable à la main, filme, observe, applaudi. Où suis-je ?

Près de moi, sur scène un couple de musiciens jouent des rythmes de jazz. Dans la salle, des danseuses brésiliennes se trémoussent sur les sons et les lumières psychédéliques.

Je regarde Virginie. Dans ses yeux, la satisfaction est intense. Les pouces tendus, elle me fait signe que tout est ok.

Yes, je suis sur le bon chemin. Je dois oublié cette pollution lumineuse qui arrose la scène, la salle et… mon dessin !

« Alain, tu vas y arriver, tu vas y arriver » me chante la petite voix.

22h00 :

Le portrait est presque fini.

Mes yeux sont fatigués, les lumières n’ont cessé de défiler sur mon tableau. Il est temps de finaliser le portrait. Derrière moi, il y a toujours autant de monde. Certains, leur verre à la main, me lance des «  à la vôtre ». Virginie en maître de cérémonie calme l’ardeur de certains et réponds aux nombreuses questions du public.

Virginie, mon aimée, tel un rempart invisible me protège de cette foule en délire.

22h30 :

Dernières touches finales, quelques rehauts de bleus et le tour sera joué.

Voilà, j’arrête. Les lumières ont eu raison de moi. Je ne distingue plus les caractères du portrait, c’est fini pour ce soir.

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